MARY Maurice François

Le 17/04/2018 0

Dans Les Poilus du Monument

Mary maurice francois portraitMary maurice francois

Il est né le 21 avril 1889 à Fleury, fils de MARY Emilien Ananias et RENAUD Marie Léonie Anne. Jamais marié. Avant la guerre, il travaillait comme cultivateur.

Maurice arrive le 3 août 1914, il a fait son service au 27e régiment de dragons mais aucune date sur sa fiche matricule indique la date de son départ pour le 129e régiment d’infanterie. Le choix se porte ce dernier régiment, sa dernière unité connue.

Les Bataillons, du 129e s'embarquèrent les 6 et 7 août et connaissent les combats au Châtelet et Bouffois. Il faut battre en retraite. Le soir du 22 août, le régiment, rassemblé, s’installe avec le 36e en cantonnement-bivouac, à Hanzinelle. La brigade a reçu l’ordre de tenir, coûte que coûte, ce village. Toute la journée du 23, il est soumis, par l’ennemi, à un bombardement sévère, mais l’attaque ne se produit pas. Le régiment, par ordre, se retire le lendemain, à l’aube, ne laissant ni un blessé, ni un prisonnier aux mains des allemands. Du 24 au 28 août, c’est la retraite générale dans la direction du Sud-Ouest. Harassés, privés de sommeil, exténués par les durs combats des jours précédents, les hommes vont, tels des automates, sans un mot, sans une pensée, et les kilomètres s’ajoutent aux kilomètres. Du repos ! Des haltes horaires ! Il n’y en a plus. On marche deux, trois, quatre heures de suite sans répit. Chacun s’efforce de suivre la colonne et de résister à la fatigue. Il faut marcher. Les longs et pitoyables convois des habitants, qui fuient à l’approche de l’allemand exécré, se mêlent aux colonnes ; les convois d’artillerie se croisent, se coupent, se dépassent, et ajoutent encore au désordre. Le ravitaillement n’arrive pas. D’ailleurs, pourquoi arriverait-il ? Le temps manque aussi bien pour cuire les aliments que pour se reposer. Quelques hommes, blessés aux pieds par la dureté de la marche, s’arrêtent un instant sur le bord de la route, et s’endorment ! Ceux-là, on ne les reverra plus ; cueillis dans leur sommeil par les patrouilles de Hulans lancées à la poursuite des arrière-gardes françaises, ils vont connaître d’autres souffrances, plus dures, plus longues, dans les geôles allemandes.  Chaque soir, dans le lointain, des lueurs rouges d’incendie jalonnent l’avance de l’envahisseur. Tristes souvenirs qui hanteront inoubliablement la mémoire de ceux qui les ont vécus.  La frontière belge est passée dans la nuit du 24 au 25. Le régiment traverse Fourmies le 26, il est le 27 à Vervins. Le 28, après-midi, la 5e division d’infanterie, rassemblée dans la zone de Puisieux, près Guise, reçoit l’ordre de retarder les progrès de l’ennemi. Le hasard de la retraite fait se rencontrer à Puisieux quelques compagnies du 329e régiment d’infanterie et le régiment. Beaucoup d’hommes reconnaissent des camarades dans ce régiment composé de purs normands lui aussi. Le 1er bataillon du régiment est installé, à 18 heures, le 28 août, sur la ligne Ferme de Louvry – Audigny – Ferme de l’Etang. Une reconnaissance faite à 19 heures, par la 3e compagnie, sur le village de Flavigny-le-Grand, est prise sous le feu de mitrailleuses installées dans les premières maisons. Puis l’artillerie ennemie arrose copieusement la Ferme de l’Etang et les lisières Est d’Audigny. La nuit s’écoule sans incident. Le lendemain 29, à la faveur du brouillard, les fantassins ennemis cherchant à s’infiltrer auprès de la Ferme de l’Etang, sont arrêtés et repoussés. A côté de la Ferme Louvry, la 2e compagnie, tiraillant sur des patrouilles de Hussards de la mort, « descend » quelques cavaliers et capture 6 chevaux. Le 47e régiment d’infanterie vient relever à 7 heures les compagnies du 1er bataillon. A 8 heures, la ligne fléchit entre Audigny et l’Etang. Le commandant DUCHEMIN (1er bataillon), à la tête d’une compagnie de son bataillon, part au pas de course et arrive sur la place centrale du village d’Audigny, au moment où les allemands y débouchent par une rue latérale. Une fusillade meurtrière s’établit, à moins de 100 mètres, entre les deux troupes, tirant debout, à découvert, dans le tas. Les tirailleurs ennemis, surpris de la résistance, se replient précipitamment, abandonnant leurs morts et leurs blessés, pendant que les premiers éléments du 47e régiment d’infanterie envahissent le village. De leur côté, les 3e et 2e bataillons, recevant l’ordre, le 29 au matin, d’occuper la Ferme Bertaignemont, sont accueillis par les mitrailleuses ennemies qui y sont déjà. Après un mouvement de replu, pour permettre à l’artillerie française de préparer l’assaut, le 3e bataillon (commandant AYRAULT) prolongeant le 74e régiment d’infanterie, parvient à la Ferme, en feu, que l’ennemi a abandonnée. Malheureusement la liaison entre l’artillerie et l’infanterie n’existant pas, les obus français continuent à tomber, ainsi que les obus ennemis, dans Bertaignemont. Le commandant AYRAULT tombe mortellement frappé, et la position, internable, doit être évacuée. La pression de l’ennemi augmente d’instant en instant, et les éléments épars de tous les régiments de la division sont refoulés, pas à pas, sur le village de Landifay. A Landifay, sous les ordres du général commandant la 10e brigade, une contre-attaque vigoureuse permet aux compagnies du 36e, du 129e, du 74e, melangées, d’arrêter l’ennemi. Ce mouvement permet également au 1er corps, qui prononce une attaque sur la droite, de gagner du terrain et d’endiguer, pour quelques heures, la poussée de l’ennemi. Le régiment bivouaque dans le bois de Landifay et, par ordre, dans la nuit, reprend sa retraite vers le Sud. Cette seconde partie de la retraite paraitra à tous moins dure que la première. Maintenant, chacun sent que c’est par une volonté suprême et dans un seul but de manœuvre que la marche vers l’arrière est reprise. Dans le plus grand ordre, les colonnes s’écoulent vers la Marne, et si le ravitaillement n’est pas toujours distribué, si les fatigues sont dures, le moral, lui, reste intact et les esprits s’ouvrent à toutes les espérances. Le régiment travers Crécy-sur-Serre le 30 août, puis Laon le 31. Le 1er septembre, à Chamouille, le 129e reçoit le premier renfort venu du dépôt. Puis, après la traversée de Châtillon-sur-Marne, le régiment fait une courte résistance et traverse la Marne à Port-à-Binson, le 3. Le 4 et le 5, deux dures étapes amènent le 129e à Saint-Genest-en-Brie, limite extrême de sa retraite. Arrivé le soir du 5 septembre dans la région de Saint-Genest, le régiment s’établit en formation d’avant-postes. Des patrouilles de cavalerie ennemie sont signalées à peu de distance, vers le Nord, mais n’inquiètent pas les postes avancées. Le 6 septembre, la 5e armée, dont fait partie la 5e division d’infanterie engage le combat. Le 129e régiment d’infanterie reçoit l’ordre d’attaquer sur la ligne Escardes – Courgivaux. Le 1er bataillon, engagé le premier, pénètre à midi dans Courgivaux, que les allemands ont abandonné sans combat. Dans le village dévasté, toutes les maisons ont été pillées par l’ennemi et, des boutiques saccagées, les marchandises se répandent sur le sol, jusque dans la rue. Le village dépassé vers le Nord, des patrouilles signalent la présence de l’ennemi dans les bois qui se trouvent au Nord-Ouest de Courgivaux. Quelques coups de feu sont échangés. A 14 heures, le 74e régiment d’infanterie relève le bataillon du 129e qui se porte en réserve auprès du colonel, à la cote 203, Sud de Courgivaux. A ce moment, la contrattaque ennemie se produit. Les allemands tentent un retour offensif énergique sur la ligne Escardes – Courgivaux, bousculent les éléments avancés du 74e régiment d’infanterie et, en nombreux essaims, progressent rapidement, essayant de tourner Courgivaux par le Sud-Est. Le combat fait rage, des deux côtés la canonnade est vive, les mitrailleuses balaient le terrain, la situation est critique. C’est alors qu’une batterie d’artillerie du 43e débouche au galop de la lisière Est de Courgivaux, à quelques centaines de mètre de l’ennemi, et s’engage dans le vallonnement par où l’infiltration semble devoir être la plus dense. En un clin d’œil, les pièces sont mises en batterie, un feu « fauché » assourdissant est déchaîné. L’effet est immédiat, l’infanterie ennemie est écrasée en quelques minutes ; ceux qui ne sont pas atteints se replient en désordre. Les hommes du 129e, exploitant cette fuite éperdue et cette aide qu’ils n’attendaient pas, se lancent à la poursuite des allemands. Mais les mitrailleuses ennemies viennent de s’installer dans une grosse ferme, au Sud de Courgivaux, et la progression des compagnies de tête, d’abord en ralentie, est définitivement arrêtée à 300 mètres du village. Le lendemain 7 septembre, dès l’aube, l’attaque est reprise, après un bombardement très efficace de l’artillerie française. Le tir ennemi, dirigé sur nos lignes de tirailleurs, est non moins efficace, et à 7 heures 30, il ne reste plus au 1er bataillon, qui est encore en ligne, que 36 hommes valides et 2 officiers. Qu’importe ! On avance et, entre les éléments du la 9e brigade, qui progressent dans le bois à l’Ouest du village, et ceux du 74e progressant à l’Est, à 8 heures, le 129e pénètre pour la deuxième fois dans Courgivaux, enlève la Ferme Bel-Air, qui brûle, occupe le cimetière et les premières maisons du village, que l’ennemi abandonne. Puis, arrêt ; des troupes fraiches continuent le mouvement en avant et le régiment demeure en réserve. Alerté à 17 heures, le 7 au soir, le 129e va bivouaquer à Tréfols, que l'ennemi en retraite a abandonné dans la journée. En avant du 129e, le 36e, qui a relevé le régiment le matin au départ de Courgivaux, est en ligne. Le 8, au matin, la marche vers le Nord reprend : 36e en tête, 129e ensuite. Marche à travers bois et terre labourée, rendue pénible par la pluie. A la nuit, l'attaque de Montmirail est projetée ; la 9e Brigade doit dépasser Montmirail par l'Ouest, la 10e Brigade doit exécuter le même mouvement par l'Est, puis les deux Brigades opéreront leur jonction sur le plateau au Nord de la ville. Le 129e se déploie, et, descendant la rive Sud du Ravin de Montmirail, cherche à passer le pont jeté sur le Petit-Morin. A trois reprises, les mitrailleuses ennemies, bien retranchées, arrêtent l'élan du 2e bataillon. Puis, à 22 heures, l'attaque étant suspendue, le régiment bivouaque sous la pluie. Le 9, à la pointe du jour, l'attaque est reprise, l'artillerie française bombarde les lisières Sud de Montmirail, courte préparation, puis une compagnie d'avant-garde du 129e commence le mouvement. Elle aborde les premières maisons de la ville, ne rencontrant aucune résistance, et rend compte que, d'après les habitants, les Allemands viennent d'évacuer précipitamment la position. Le Régiment traverse Montmirail et vient se rassembler avec toute la division sur le Plateau au Nord de la ville. L'ennemi abandonne peu à peu ses emplacements. C'est l'avance ! Le 10, le 129e traverse Celles-lès-Condé, puis la Marne, au Pont-de-Passy, à 15 heures 30. Les 11 et 12, la poursuite de l'ennemi continue par Aougny, Lhéry, Méry. Le 12 au soir, le 129e dépasse Gueux, enlevé dans la journée par la 9e brigade, et se porte à l'Est de la route de Gueux-Tilloy, les bataillons en colonne double, prêts à se porter en avant. Le vent souille en tempête, chassant une pluie glacée. Des incendies illuminent l'horizon au Nord-Est. La 10e brigade se trouve en première ligne, et, par une attaque en direction de la Butte de Brimont, se prépare à exploiter le succès de la 9e brigade. A 5 heures du matin, le 13 septembre, le 129e, prenant une formation d'avant-garde ; part en tête de la 5e division. La colonne traverse Merfy, puis, à partir de Saint-Thierry, prend une formation d'approche. Un large glacis descend du village de Saint-Thierry jusqu'à la dépression du ruisseau des Fontaines, qu'empruntent le Canal de l'Aisne à la Marne et la voie ferrée de Laon à Reims. Cette dépression s'étrangle entre le pied du glacis, marqué par le village, le Château de Courcy et le mamelon isolé de Brimont, dont les pentes sont couvertes de bois. Le Canal et la voie ferrée, en profonde tranchée, forment un obstacle qui n'est franchissable qu'en quelques points très espacés. La route de Courcy à Brimont franchit le Canal et la voie ferrée, puis traverse la Verrerie entre l'usine à droite et les maisons ouvrières à gauche ; elle monte ensuite à travers bois jusqu'au village de Brimont, situé sur la crête. A la sortie Nord de la Verrerie, un chemin se détache à droite, suit le pied du mamelon et conduit au Château de Brimont, situé dans le fond du vallon descendant du village de Brimont vers le Sud et vers la dépression du Canal. A 8 heures, le 3e bataillon traverse Courcy, que l'ennemi bombarde, puis s'avance jusqu'au Château de Courcy. A midi, ce même Bataillon reçoit l'ordre de gagner la Verrerie et de chercher à progresser au-delà. Du Château de Courcy au pont du Canal s'étend une plaine nue d'environ 200 mètres ; cette plaine est battue par des mitrailleuses ennemies placées à la lisière du Bois de Brimont et parmi les nombreuses meules de paille qui jalonnent le terrain sur la droite de la Verrerie. L'ordre est formel. Le 3e bataillon réussit le tour de force, en se glissant homme par homme, de passer les ponts et d'occuper la Verrerie le Courcy. Les obus allemands arrosent copieusement les abords du Canal et le village, incendiant quelques maisons. A 14 heures, le 1er bataillon part à son tour de Courcy et doit renforcer le 3e bataillon à la Verrerie. Des tranchées ennemies, établies entre le Bois de Brimont et le Bois Soulains, une fusillade intense interdit l'accès du Canal et de la voie ferrée. Un à un, rééditant l'exploit du 3e bataillon, les hommes du 1er se glissent et, à 17 heures, atteignent le talus Nord de la voie ferrée à proximité de la Verrerie. L'ennemi, retranché à 600 mètres en lisière du Bois de Brimont, dans une position dominante continue, par un tir ajusté, à causer des pertes dans nos lignes de tirailleurs. A la nuit, les maisons ouvrières entourant la Verrerie sont occupées par le 1er bataillon ; le feu des deux artilleries décroit et chacun se retranche sur ses positions. Le 4 au matin, des éléments de la 6e division d’infanterie, immédiatement à gauche du 129e, occupent l'Écluse. L'ennemi bombardant Courcy, cherche à détruire les ponts sur le Canal sans y parvenir, mais cause néanmoins quelques pertes aux compagnies qui occupent la Verrerie et les maisons avoisinantes. L'attaque est reprise à 13 heures ; l'intervalle de 600 mètres qui sépare les compagnies d'attaque de la lisière du Bois de Brimont qu'il faut atteindre, est un glacis très battu par les mitrailleuses allemandes de la batterie de Loivre et du Château de Brimont. La première section qui se risque derrière son Chef, l'Adjudant CANOT (3e Compagnie), a franchi le talus du chemin de fer, mais est fauchée avant d'avoir fait vingt pas. Le bombardement se fait de plus en plus violent. A son tour, la 5e compagnie, commandée par le Lieutenant LEFRANCOIS parvient à traverser les ponts du Canal et occupe la tranchée de la voie ferrée. Mais, pour avancer, il faut une sérieuse préparation d'artillerie. Cependant sur la droite, dans l'après-midi, un effort du 36e a permis d'occuper le Bois Soulains. A 14 heures, une violente contre-attaque allemande, débouchant du Bois Soulains, dirigée sur la face Est de la Verrerie, y est arrêtée net par la 10e compagnie qui occupe cette face. Dans la nuit du 14 au 15, après un ordre de résistance sur place, le régiment reçoit contre-ordre. Il doit continuer l'attaque sur Brimont et appuyer le mouvement du 36e sur le Château. A 2 heures 30, l'attaque se produit. A la faveur de la nuit, un bataillon du 36e, s'est glissé par le Bois Soulains et a occupé le Château de Brimont. Le 1er Bataillon du 129e, qui doit aller le renforcer au Château, voit à deux reprises avorter ses tentatives, faites de jour. Les mitrailleuses allemandes de la Ferme de l'Espérance coupent toutes communications entre le Bois Soulains et le Château. Dans la nuit du 15 au 16, le 1er bataillon du 129e se porte au Château de Brimont et renforce le Bataillon du 36e, qui y est déjà installé. Le 16, la position du Château est organisée défensivement. Elle est d'ailleurs franchement mauvaise, se trouvant au fond du vallon de Brimont, dominée de tous côtés par les lisières de bois qui cachent les tranchées ennemies fortement occupées. A midi, une tentative du 2e bataillon, en direction du bois de Brimont à l'Ouest de la Verrerie, n'a aucun succès. A 16 heures, une très forte attaque ennemie se déclenche sur le bois Soulains et, refoulant les éléments du 36e qui l'occupaient, parvient jusqu'à la voie ferrée, à l'Est et à quelques centaines de mètres de la Verrerie. La situation est critique. La ligne française figure un doigt de gant dont l'extrémité est le Château (1er bataillon du 129e et 2e bataillon du 36e). Au Sud du Château, dans une situation tout aussi risquée, se trouve le 3e bataillon (Verrerie) et la 8e compagnie, sur la rive Nord du Canal. Deux contre-attaques, pour dégager le Château de Brimont, tentées, l'une par les éléments du 3e bataillon, l'autre par ceux du 2e, échouent malgré la vaillance des combattants. Pendant toute la journée du 17, la garnison du Château de Brimont, sous les ordres du Chef de Bataillon DUCHEMIN, du 129e, résiste héroïquement aux tentatives incessantes de l'ennemi. Ecrasés par un feu impitoyable de grosse artillerie, soumis à un tir précis des mitrailleuses et des fusils ennemis, n'ayant reçu ni vivres, ni munitions depuis cinq jours, les vaillants défenseurs du Château trouvent encore la force de résister à un ennemi dix fois supérieur en nombre. A 16 heures, débordée, encerclée de plus en plus dans la tenaille allemande, la poignée d'hommes qui tient encore n'a plus une cartouche et doit succomber. Une attaque de nuit, menée sur la Verrerie par des éléments frais de la Garde Prussienne, soutenue par la grosse artillerie qui, sans arrêt, écrase les rives du Canal, a raison de la vaillance des quelques sections qui restent du 3e bataillon, traverse le Canal et prend pied dans Courcy, coupant toute retraite aux défenseurs de la face Est de la Verrerie. Dans Courcy, le Capitaine CUNIER, commandant le 2e bataillon, entouré d'ennemis et blessé à coups de baïonnette, est dégagé par l'Adjudant DELAUNE, qui le défend à coups de revolver, puis, son barillet vide, se fraie un chemin à coups de sabre ; le Capitaine CUNIER, grièvement blessé, ne peut suivre, et l'Adjudant, miraculeusement indemne, parvient seul à rejoindre nos lignes. Les débris des 10e, 8e et 6e compagnies (Capitaine AUBERGE et Lieutenant TOUCHARD), à peine 200 hommes, sont rassemblés en silence auprès de la station de chemin de fer, et, sous les ordres du Capitaine POUREL, commandant la 10e compagnie, s'élancent à la baïonnette sur les Allemands qui tiennent les ponts, les bousculent, et, dans la nuit noire, réussissent à se frayer un passage. Le poste médical sous les ordres du Médecin-Major MERCIOLLE, ne cesse de donner des soins aux blessés ; tout entier victime de son dévouement, il tombe aux mains de l'ennemi. Le 129e, réduit à quelques compagnies, épuisé par les combats et les dures épreuves qui sont sa vie depuis un mois, ne peut se maintenir dans Courcy, que l'ennemi, renforcé sans cesse, a pris en entier. Il se retranche dans Saint-Thierry et le parc du château, où il est relevé, dans la nuit du 17 au 18, par des éléments du 1er corps d’armée, venu en renfort. Il se porte ensuite en réserve en cantonnement-bivouac à Merfy. Après cette affaire, qui fut la dernière de ce que l'on peut appeler la période de mouvement, la guerre entre dans une nouvelle phase : « La période de stabilisation », La Guerre de tranchées commence. Par relèves périodiques, le 129e tient le secteur Saint-Thierry jusqu'au 10 décembre. Il s'organise en arrière de la route n° 44. Des lignes de tranchées s'ébauchent, reliées bientôt par des boyaux ; puis, les premiers fils de fer font leur apparition en avant des premières lignes ; un « Secteur » est né. Pendant de longues semaines, les guetteurs des deux camps s'observent, échangent de rares coups de fusil et, le soir, prennent la pelle et la pioche pour organiser le terrain, s'accrocher au sol et créer un système continu de tranchées et de boyaux qui permettra une résistance plus facile. Le secteur, agité et fréquemment bombardé dans les premiers jours d'occupation, devient de plus en plus calme, mais nos patrouilleurs, très actifs, très mordants, affirment leur maîtrise. Le 19, la cathédrale de Reims brûle et, devant cette profanation, preuve flagrante de la barbarie teutonne, nos « Poilus » ne peuvent retenir le désir de vengeance et les imprécations de haine qui grondent en leur cœur. Le 10 décembre, le régiment, au repos à Merfy, reçoit l'ordre de changement de secteur ; la Division appuie vers l'Ouest et va occuper la partie du front au pied du plateau de Craonne. Le 11 au soir, le 129e relève dans le secteur de la Ville-au-Bois le 33e régiment d’infanterie.

Ce secteur, tout aussi calme que le secteur de Saint-Thierry, est tenu par le régiment, seul, jusqu'au 14 mai 1915. Les Bataillons alternent en ligne et, périodiquement vont au repos tantôt à Ventelay, tantôt à Concevreux. Dans cette région, tout a été organisé dans le style nouveau : tranchées, boyaux, etc... Les premiers abris du Bois de Beaumarais et l'organisation de l'Éperon du Bois des Buttes, sont restés dans le souvenir des hommes qui ont connu cette époque. C'est également l'époque des premiers mortiers de tranchées et des corvées de rondins... Pendant cette période de cinq mois, les Compagnies et les Bataillons se sont reformés, les hommes ont acquis dans l'exécution des patrouilles, sans cesse renouvelées, une grande confiance en eux et en leurs gradés. De l'union intime de la vie et de la pensée des chefs et des hommes est né un véritable sentiment de camaraderie et d'optimisme qui fait du régiment une « force intelligente ». Le 129e est prêt pour de nouvelles actions et, comme les premières feuilles verdissent aux arbres de Beaumarais, les échos des glorieuses attaques d'Artois parviennent jusqu'à eux. La division rassemblée dans la région de Fismes, le Régiment est relevé ; puis, le 22, s'embarque en chemin de fer à Jonchery. Débarqué à Frévent, le 23 mai 1915, le régiment s'installe en cantonnement à Baudricourt et Oppy. Le 25, il est transporté en camions automobiles à la lisière Sud-Ouest du bois d'Habarcq, à 12 kilomètres au Nord-Ouest d'Arras. Le soir même, le 129e monte en ligne au Sud-Est de Neuville-Saint-Vaast et relève une brigade du 20e corps d’armée. Sa mission est d'assurer l'inviolabilité du front et de poursuivre l'aménagement du secteur en vue d'attaques prochaines. Quand on s'engage, à la sortie de Mareuil, dans le boyau qui poursuit son interminable et grisaille perspective de murs de terre vers Thelus et le Bois de la Folie, on est désagréablement impressionné par le silence et la monotonie du lieu. Pendant 9 kilomètres, dans cette plaine nue de l'Artois, le boyau serpente, indéfiniment, semble-t-il, et, aux approches des lignes, dans un enchevêtrement de tranchées et de boyaux éboulés, se perd dans le réseau inextricable dit du « Labyrinthe ». De loin en loin, des débris de cadavres ou, la nuit, des lueurs phosphorescentes, jalonnent la route et apportent la preuve involontaire des luttes sans merci sanglantes hécatombes auxquelles donnèrent lieu les attaques d'avril et mai. Du 30 mai au 3 juin, resserrés entre la 53e division d’infanterie, qui attaque jour et nuit la région du « Labyrinthe », et le 36e qui, de son côté, essaie de progresser à l'entrée de Neuville, les 2e et 3e bataillons du 129e subissent le bombardement intense et incessant par obus de gros calibre, d'un ennemi très agressif. Les pertes sont assez élevées. Le 1er juin, la Division fait une attaque générale sur Neuville-Saint-Vaast. Le 1er bataillon, en réserve, est appelé en renfort du 3e bataillon du 36e dans Neuville, à gauche du régiment. Le Lieutenant SENOT, dont la compagnie se trouve dans la rue principale du village, avisant des tireurs ennemis, à l'abri derrière une barricade, s'élance résolument à l'assaut entraînant avec lui les hommes de son peloton. Dans le corps à corps, le lieutenant est tué, mais la barricade est prise et la situation des compagnies voisines est améliorée. Au milieu des grenades asphyxiantes et incendiaires employées par les Allemands, le combat de maison à maison, de cave à cave, continue furieusement. L'ennemi qui, par la situation de Neuville-Saint-Vaast, veut empêcher toute progression ultérieure vers le Bois de la Folie c'est-à-dire vers la crête de Vimy et la Plaine de Lens s'acharne à conserver une position qu'il a, d'ailleurs, extraordinairement fortifiée. Sous Neuville-Saint-Vaast, toutes les caves ont été renforcées, certaines même bétonnées, des boyaux souterrains relient entre elles les maisons d'un bout du village à l'autre. Chaque maison est, elle-même, un fortin qu'il faut enlever au prix des efforts des plus héroïques et des plus ardus qui soient. L'artillerie ennemie établie dans le Bois de la Folie balaie de son feu continuel toute la région comprise entre le village, la route de Béthune et l'arrière, jusqu'à Mont-Saint-Eloi. La plaine devient une immense étendue désolée sur laquelle un peu partout montent vers le ciel les panaches sombres de l'explosion des gros obus allemands. Sous un soleil de plomb, dans le village de Neuville-Saint-Vaast, les admirables « poilus » du 36e et du 129e combattent à la grenade et au revolver parfois au couteau au milieu des cadavres ennemis et français, dans une atmosphère empuantie et dans le bourdonnement continuel des mouches qui se posent dessus. Le 3, les 3e et 4e compagnies, dans un bel effort, se rendent maîtresses de la Maison d'Ecole, au centre du village, et, au prix des plus grands sacrifices, établissent une barricade dans la Grand'Rue, sous une pluie de grenades, malgré le tir meurtrier des mitrailleuses allemandes. Dans la nuit du 4 au 5, les deux autres Bataillons du 129e, qui étaient depuis le 3 en réserve à la cote 84, viennent remplacer le 1er bataillon, fort éprouvé. Le 5, à 14 heures 35, derrière les Capitaines CHAUVELOT et MÉNAGER, le 2e bataillon s'élance, bientôt suivi par le 3e bataillon. En quelques minutes, l'objectif assigné au Régiment est atteint. Le tir de l'artillerie ennemie est terrible ; les pertes sont lourdes, le régiment se cramponne au terrain et l'organise avec l'aide du Génie. La grosse partie du village qui vient d'être prise est jonchée de cadavres ennemis ; la lutte corps à corps a été furieuse, et 30 prisonniers parviennent seulement à l'arrière. Malheureusement, tout au début de l'action, le vaillant Chef du régiment, le Colonel DENIS-LARROQUE, est tombé, en se rendant compte par lui-même, dans une belle impulsion de son âme de Chef, de la progression de ses unités. Le lieutenant DELAUNE a été tué, alors que sabre au clair il se ruait à l'assaut d'un élément de tranchée, précédant sa compagnie de plusieurs pas. L'Adjudant VILLETTE, de la 7e compagnie, part en patrouille avec quatre volontaires. Il atteint la ligne ennemie dans la région du Portique, entre clans un poste de commandement établi dans une cave, abat à coups de revolver le Capitaine allemand qui se présente, et arrache l'appareil téléphonique. Il fait ensuite sauter un dépôt de grenades et ramène ses quatre hommes indemnes dans nos lignes. Au cours de cette affaire, la troupe a témoigné d'un tel élan, d'un tel esprit de sacrifice, que rien n'a paru devoir résister à sa fougue. Plusieurs tentatives de l'ennemi sont repoussées dans la soirée du 5 et dans la nuit du 5 au 6. Jusqu'au 9 juin, le 129e organise le secteur du village de Neuville, et, dans les conditions les plus difficiles, sous le bombardement qui fait rage, il maintient intégralement ses gains du 5. A gauche du régiment, le 8, les 36e et 39e ont repris l'attaque des dernières maisons de Neuville et, le 9 au soir, le régiment est relevé par une brigade du 9e corps. Le 129e est amené en autos au Souich, où il se réorganise. Le 15, il fait étape à Fosseux ; le 17, à Villers-Chatel, où il cantonne jusqu'au 20. Le 20 juin, le 129e est mis à la disposition de la Division Marocaine qui, depuis le 16, est aux prises avec l'ennemi entre Souchez et Givenchy, à la cote 119. Le Régiment monte en réserve dans l'après-midi du 20, à la « tranchée des 31 abris », à l'Ouest de la-route de Béthune. A la nuit, il reçoit l'ordre de relever, sur la droite de Souchez, un mélange de Compagnies des 276e et 231e. Ces unités ne sont en ligne que depuis deux jours, ayant relevé elles-mêmes les zouaves de l'attaque du 16, mais le bombardement et les pertes sont tels, qu'elles sont trop éprouvées pour assurer la défense du secteur. La cote 119, attaquée par la Division Marocaine le 16, n'a pas été entièrement réduite ; le village de Souchez, puissamment fortifié, a résisté à tous les efforts. La nouvelle position, en fer à cheval, accrochée à flanc de coteau, dominée de l'Ouest au Nord par les lignes allemandes, est battue de dos par les mitrailleuses ennemies établies dans Souchez. Vers l'Est, les mitrailleuses de la Folie croisent leurs feux avec celles de Souchez. Le Ravin de Souchez enfin, qui par une dépression encaissée sépare la cote 119 de la route de Béthune et de l'éperon du Cabaret Rouge, est un champ de Morts, bouleversé constamment par les obus du Plateau d'Angres, de Givenchy, de la Folie, de Vimy, et balayé par les balles de mitrailleuses. Un seul boyau d'évacuation et de relève : le boyau International, traverse le ravin. Dans cette unique artère, éventrée par les 150 et 210, prise d'enfilade par l'artillerie de campagne ennemie, les corvées de munitions et les blessés encombrent le passage, de nombreux cadavres gênent la progression, et les balles de mitrailleuses qui rasent le parapet avec un claquement sec donnent à réfléchir aux audacieux qui voudraient se risquer à découvert. C'est dans ces conditions que, le 20 au soir, les 1er et 3e bataillons commencent leur mouvement de relève. Nulle reconnaissance préalable n'ayant pu être faite, le 1er bataillon et quelques éléments du 36 parviennent seuls en ligne. Le 2e bataillon est gardé en réserve dans le Ravin de Souchez, auprès du Colonel MARTENET (ce dernier commande le régiment depuis deux jours). Le lendemain, dans la nuit du 21 au 22, les unités du 3e bataillon, qui n'ont pu monter en ligne dans la nuit précédente, continuent le mouvement de relève. Soudain, alors que les Compagnies se trouvent dans la cohue du boyau International, un barrage d'une violence inouïe se déclenche. Dans la fumée et les nuages de terre projetés par les explosions formidables qui éventrent le sol, le mouvement continue, mais quelques sections seules peuvent arriver en ligne. Après un instant de calme, à une heure, l'attaque ennemie menée par une Division entière, ainsi qu'en font foi les documents allemands tombés entre nos mains, aborde notre position. Les assaillants, en colonne par quatre, poussent des hourras impressionnants. Superbement, nos hommes résistent dans la tranchée de première ligne ; le barrage d'artillerie française fait « du bon travail » ; l'ennemi, devant l'inutilité de ses efforts, tourne la position et, par le Ravin de Souchez, coupe le boyau International, jusqu'au boyau 123, et tombe sur un Régiment voisin en pleine relève. Toutes les communications avec l'arrière sont coupées, le poste de commandement du Colonel est lui-même encerclé. Jusque dans l'après-midi du 22, à 15 heures, les hommes du 129e établissant des barricades dans les boyaux, se battent comme des lions, un contre dix, à la grenade, et ne perdent pas un pouce de terrain. A 15 heures, deux compagnies du 8e Zouaves contre-attaquent à la baïonnette, derrière le régiment, et, après un sanglant combat corps à corps, dégagent le boyau International, en massacrant les occupants. Aucun prisonnier n'est resté entre leurs mains, mais trois cents cadavres marquent le prix du déplacement. La position de la cote 119 est devenue intenable en raison des difficultés insurmontables du ravitaillement et des relèves. Le régiment reçoit l'ordre de se replier à la nuit, couvert par les Zouaves du 8e régiment, qui s'établissent sur les pentes Sud du Ravin. Le mouvement s'exécute sans perte, malgré le tir de l'artillerie. A travers un barrage d'une violence inouïe, les poilus du 129e traversent les lignes tenues par les Zouaves, emportant leurs blessés, ramenant des prisonniers, ne laissant rien aux Allemands qui puisse leur être utile. Au cours de cette affaire, dans laquelle tous ont montré un égal esprit de sacrifice et le plus grand héroïsme, il convient de signaler la belle conduite du Soldat LELEU de la 3e compagnie, qui, blessé par éclats de grenade, la tête entourée de pansements, tient à rester à son poste de combat et, bravant la douleur, s'emploie, à force de courage et d'énergie, à interdire à la grenade l'avance de l'ennemi, dans un croisement de boyaux. Le régiment reste en réserve à la « Tranchée des 31 abris » et, le soir du 23, est relevé. De Camblain-l'Abbé, le Régiment se dirige sur Beugin, où il cantonne du 4 au 11 juillet. Le 12 juillet, le 129e relève le 74e régiment d’infanterie dans la partie Sud de Neuville-Saint-Vaast. Du 12 au 23 juillet, le régiment réorganise et tient le secteur sans incidents. Les Bataillons sont en ligne, entre le cimetière de Neuville et la partie gauche du Labyrinthe. Relevé le 23, il vient au repos, par Izel-les-Hameaux, dans la région de Magnicourt-sur-Canche où, pendant un mois, jusqu'au 22 août, il s'entraîne et reçoit des renforts. Les premières permissions de quatre jours sont accordées et accueillies partout avec enthousiasme. Les partants sont accompagnés d'un regard d'envie ; mais chacun se rassure : il y aura du bonheur pour tous. La permission devient dès maintenant la juste récompense des peines supportées et des souffrances vécues en commun ; la solitude et l'éloignement ne seront plus la source des angoissantes heures d'attente... sans but, sans espoir. La guerre de tranchées sera supportée désormais, plus gaillardement encore si possible, et si déprimante, si dure soit elle, chacun en prendra gaiement son parti. Le 129e cantonne quelques jours à Tilloy-lès-Hermaville, Bray, Ecoivres et, le 7 au soir, prend le secteur à gauche (Nord-Ouest) de Neuville-Saint-Vaast. Pendant neuf jours, du 7 au 16, les préparatifs d'attaque sont poussés activement. Sur tout le front d'Artois, des sapes, qui deviendront des parallèles de départ, s'ébauchent des abris légers s'établissent en ligne, des places d'armes, pour masser les sections de soutien, sont creusées. Une activité inaccoutumée préside aux travaux. Serait-ce la grande attaque ? Déjà, depuis un mois, il est question d'un gros effort tenté vers la fin de septembre. De l'arrière, les cuisiniers rapportent les nouvelles les plus captivantes… et les plus fantaisistes une artillerie puissante et variée s'établit dans tous les replis du terrain. La plaine d'Artois devient une vaste fourmilière dans laquelle chacun se sent pris d'un grand besoin de travail. En effet, les nouvelles se précisent, le 16 au soir, le Régiment, relevé, Vient au repos à Hermaville et, pendant une semaine, chaque jour, répète des exercices d'attaque et de franchissement de tranchées. Le 23 septembre, avant de monter en ligne à gauche de Neuville-Saint-Vaast, les hommes reçoivent le casque qui, dès ce moment, deviendra leur inséparable compagnon de tranchée. A la nuit, lentement, les bataillons s'égrènent vers les Rietz et vers les boyaux de Neuville. Depuis plusieurs jours, le canon tonne sans arrêt, les lignes ennemies disparaissent dans la fumée de nos obus... C'est la grande préparation. Les compagnies, qui travaillent avec ardeur aux sapes d'attaque, subissent un tir continuel de bombes à ailettes et de torpilles. Avec un esprit admirable, malgré des pertes sensibles, les hommes continuent leur tâche, Sans souci du danger. Le 25 septembre, l'attaque doit se déclencher à midi 25. Le régiment est encadré : à droite, par un régiment du 12e Corps, le 50e ; à gauche, par le 36e ; l'attaque doit se produire sur un large front, de la gauche de Notre-Dame-de-Lorette, devant Liévin, à Beaurin, à droite d'Arras. Le 129e a comme premier objectif : la « Dent de Scie » et la « Tranchée Brune », puis, le « Vert Halo », la « Tranchée des Saules » et, si possible, le Bois de la Folie. Dans la brume, dès l'aube, le 25 septembre, les tranchées ennemies allongent leur réseau gris, dans la plaine nue, jusqu'à la Folie, protégées par de puissantes défenses de fil de fer, et semblent défier par leur force tranquille, la masse des assaillants qui se prépare à l'attaque. Le feu' préparatoire de l'artillerie française devient d'une violence inouïe ; à midi, c'est un enfer, les obus rasent les premières lignes, abandonnées momentanément, et s'écrasent dans un bruit assourdissant sur les lignes ennemies. Le Bois de la Folie disparait dans la fumée, et l'artillerie ennemie, qu'il cache, se tait. Petit à petit, les Compagnies d'assaut (2e et 3e bataillons) se portent dans la tranchée de première ligne. Les parallèles de départ n'ont pu être achevées et les hommes seront obligés de sortir, un à un, par les sapes d'attaque. En avant, malgré le tir de notre artillerie, la première tranchée allemande, à 40 mètres, semble intacte, et, nos hommes, à qui l'interdiction de tirer un seul coup de fusil a été donnée, voient avec rage les guetteurs allemands, la tête au-dessus de leur tranchée, qui gesticulent et les attendent. A midi 15, devant Neuville, une équipe spéciale des Pompiers de Paris vient actionner ; devant nos premières lignes, plusieurs lance- flammes. Les jets, trop courts, tombent entre les tranchées et la démonstration attire une assez vive fusillade. Cette fusillade est à peine calmée que, à midi 25, d'un seul bond, la première vague d'assaut du 129e, la baïonnette haute, s'élance en avant. Immédiatement, de nombreux points de la ligne ennemie, un feu de mitrailleuses, extraordinairement nourri, l'accueille. Les grenades pleuvent comme la grêle, devant la ligne allemande, et nos hommes, surpris dans leur ruée sublime, tournoient, chancellent, et tombent frappés à mort. Une seconde vague succède, elle n'est pas plus heureuse que la première. Certaines mitrailleuses ennemies exécutent un tir bloqué sur nos têtes de sapes et, un à un, tous ceux qui se présentent s'écroulent foudroyés. Néanmoins, dans la nappe de balles qui sème effroyablement la mort, quelques éléments se sont accrochés au terrain et, en rampant, cherchent à atteindre la ligne ennemie. Dans la partie gauche de la « Dent de Scie », en première ligne, quoique privée de ses officiers, tombés au début de l'action, la 10e compagnie tient bon ; un peu plus à gauche, la 12e compagnie, qui a vu tomber, blessé, son chef', le Capitaine CABANEL, réussit aussi à prendre pied dans la tranchée ennemie et continue à combattre. Sur la partie droite de la « Dent de Scie », la 5e compagnie gagne du terrain, malgré de très lourdes pertes, et atteint la « Tranchée Brune » ; le Sous-Lieutenant DELAPORTE est blessé, la 5e compagnie n'a plus d'officiers, le Sergent CLAUSS progresse encore et atteint le « Vert-Halo », puis la 8e compagnie prend pied à son tour dans la « Dent de Scie ». Sur la droite, plusieurs Sections des 50e et 126e régiment d’infanterie (12e corps d’armée ont atteint le groupe de maisons « des Tilleuls » et sont arrêtées par une contre-attaque ennemie. L'Aspirant de MAZILLY, de la compagnie de mitrailleuse du 129e, établit ses mitrailleuses dans la partie de la tranchée du « Vert-Halo », que les éléments des Régiments voisins viennent de dépasser, et arrête net la contre-attaque, permettant aux Sections du 50e, trop -avancées, de revenir au « Vert-Halo ». Au cours de l'après-midi, les Compagnies, qui ont pu prendre pied dans la « Dent de Scie », progressent et « nettoient » la tranchée ennemie, faisant de nombreux prisonniers. Les Compagnies, dont l'élan a été arrêté, à midi 25, prennent part à cette progression. A la nuit, la « Dent de Scie » est entièrement réduite, et la première ligne du 129e se trouve au « Vert-Halo », à hauteur des éléments voisins du 12e corps. La 9e compagnie, sous les ordres du Sous-Lieutenant de GRAND d'ESNON, un véritable entraîneur d'hommes, s'élance en avant de la tranchée du « Vert-Halo » et va atteindre la tranchée des « Saules », quand son glorieux chef tombe frappé d'une balle au front à quelques mètres du parapet. La Compagnie est clouée sur place sous un feu de mousqueterie et de mitrailleuses d'une violence inouïe.  Sur la gauche, le 36e a dépassé aussi le « Vert-Halo ». Le lendemain 26, à 13 heures, l'attaque est reprise sur la tranchée des « Saules », la 7e compagnie, brillamment enlevée par le Lieutenant CHERON, voit son élan arrêté par un puissant réseau que notre artillerie n'a pu écraser ; se maintenant dans les trous d'obus, les hommes de la compagnie tiennent sous les bombes à ailette et les rafales de mitrailleuses, ils ne se replient que le soir et par ordre. Pendant ces deux journées, les pertes, au 3e et 2e bataillons, partis en première vague, ont été particulièrement lourdes ; presque tous les officiers sont tombés, en tête de leurs hommes : Capitaine LOY, Capitaine DOURY, Lieutenants DESHAYES, LEBON. Dans la tranchée conquise, les cadavres allemands, pêle-mêle, montrent avec quel acharnement les combats ont été livrés. Les pertes ennemies paraissent au moins aussi élevées que les nôtres, la « Garde Prussienne » a dû s'incliner, une fois de plus... Relevé le 27 septembre par le 39e régiment, le 129e va se reformer à Écoivres. Le 28 au soir, il redescend à gauche de Neuville pour appuyer un mouvement éventuel vers l'avant du 39e régiment d’infanterie ; puis il reste en réserve aux « Ouvrages blancs » et à la « Targette » (Ouest de Neuville-Saint-Vaast). Le 3 octobre, le Colonel MARTENET est appelé au commandement d'une brigade et est remplacé par le Lieutenant-Colonel VALZI. Le 129e est relevé le 7 octobre et va cantonner à Acq et Frevin-Capelle. Le 9, le Régiment embarque en camions automobiles et vient à Beaudricourt et Sus-Saint-Léger. A Sus-Saint-Léger, il procède à sa réorganisation jusqu'au 18 octobre. Après des cantonnements successifs : à Rebreuviette, Grand-Bonnet, Chaussoy-Epagny, Jumel-Bergny, le 129e arrive le 14 novembre dans la région de Villers-Bretonneux (Somme). Des renforts, venus du Dépôt, comblent les vides des dernières attaques ; l'instruction est poussée activement, et le régiment, tel un convalescent revenu de loin, reprend vie et est bientôt prêt à affronter de nouvelles épreuves. Le 10 décembre, il part en camions automobiles et est arrêté au Sud de Bray (Somme), prêt à monter dans un secteur nouveau, relever un Régiment de la 6e division. Caché dans les marais, dans une boucle de la Somme, appuyé au Canal, le village de Frise, dominé par les hauteurs de la rive droite du fleuve, ne constituait qu'une position d'importance secondaire : un flanquement, à la merci de la première attaque ennemie. En ce secteur réputé tranquille, dans lequel les Allemands n'avaient jamais attaqué et où d'ailleurs une action offensive apparaissait, sinon impossible, du moins difficile, nos hommes ne voyaient qu'un secteur d'hiver, un secteur de repos, en attendant la période des offensives de printemps. Au reste, la pluie, qui rendait le sol impraticable, transformait en canaux les tranchées des marais et les boyaux en véritables bourbiers. Les principaux travaux de secteur étaient constitués par la remise en état des boyaux et tranchées éboulées, et aussi par la vidange de l'eau accumulée qui envahissait les abris. Le 11 décembre, le régiment relève, dans le secteur de Cappy-Frise, un Régiment de la 6e division d’infanterie à sa gauche, sur la rive droite de la Somme, il est en liaison avec un régiment d'Infanterie anglaise. La première période d'occupation du secteur est relativement calme ; pourtant, le 24 décembre, une mine ennemie saute devant Frise, bouleversant les tranchées de la 11e compagnie. Malgré leur tir violent d'artillerie, les Allemands n'insistent pas devant l'attitude résolue de la 11e compagnie, qui occupe immédiatement l'entonnoir et l'organise rapidement. En ligne, se trouvent deux bataillons du régiment séparés par un bataillon du 322e territorial. Seul le Bataillon devant Frise (à gauche du secteur) est relevé périodiquement par le Bataillon du Régiment qui est en réserve à Chuignes.

Dans les premiers jours de janvier 1916, les tirs d'artillerie, d'abord rares et peu intenses, deviennent des tirs de harcèlement, cachant, de-ci de-là, quelques réglages. L'artillerie de tranchée allemande envoie de temps à autre ses grosses bombes sur nos premières lignes, et écrase quelques abris et éléments de boyaux. Dans cette terre peu résistante, c'est un travail incessant rendu épuisant par la boue et par l'eau. Chaque nuit, des patrouilles de reconnaissance ennemies sont signalées devant Frise et dans les marécages de la Vallée de la Somme. Dans la seconde quinzaine de janvier, les bombardements deviennent plus fréquents ; à chaque éclaircie, des avions ennemis survolent nos premières lignes et, aussitôt, quelques obus de gros calibre tombent, bien réglés. Tout fait prévoir une attaque dans un délai rapproché. Le 28 janvier, dès la pointe du jour, l'ennemi, mettant en œuvre une artillerie formidable, soumet tout le secteur, sur un front de plusieurs kilomètres, à un bombardement d'une violence inouïe. Nos batteries, prises à partie par des obus allemands lacrymogènes, tirent sans interruption sur les premières lignes ennemies. A 11 heures, le tir se concentre sur la zone Frise-Moulin-Bois de la Vache, et devient un barrage d'une intensité effrayante entre Eclusier et Frise. Tous les boyaux sont complètement écrasés ; les abris, qui étaient rendus inhabitables par l'eau, s'effondrent sous le martellement ennemi. Les tranchées de premières lignes sont bouleversées et en de nombreux points nivelés. La fumée âcre de l'explosion des obus allemands forme un rideau épais empêchant de distinguer les lignes. Le vacarme est assourdissant et le sol tremble sous les coups répétés qui le crèvent de toutes parts. Les liaisons téléphoniques n'existent plus ; vainement des coureurs sont envoyés vers la première ligne, aucun ne revient. L'impression d'une attaque imminente est très nette. A 15 heures 15, une fusillade crépite sur la droite du secteur du 2e bataillon, qui est en ligne devant Frise. Quelques fusées françaises demandent le barrage ; puis, sur le Bois Haché, à droite du 2e bataillon, nouvelles fusées. Fusillade. Temps d'arrêt ; le barrage d'artillerie française se déclenche. A ce moment paraissent, dans nos lignes de soutien, des blessés du 322e territorial. Ces hommes tenaient les premières lignes au Bois Haché ; ils déclarent que l'ennemi débouche du Bois Haché, qu'il vient d'enlever ; que les tranchées, là-bas, n'existent plus, et qu'ils croient que le Bois Signal, derrière le Bois Haché, est également aux mains de l'ennemi. Du 2e bataillon, aucune nouvelle. Peu après, l'ennemi, en force, aborde la ligne de soutien tenue par la 1ère compagnie, derrière le Bois Signal. Un corps à corps s'engage, suivi d'un recul, puis d'une reprise énergique. Dans un effort désespéré, la ligne est arrachée aux Allemands, qui refluent en désordre sous les grenades et la fusillade de nos hommes. Dans ce combat, le Lieutenant THORAL est tombé à son poste et le Lieutenant BLUMENFELD électrise sa compagnie par son courage et son sang-froid. A gauche, sous un « feu roulant » infernal, l'attaque sur Frise s'est déclenchée à 15 heures 45. A 21 heures, le 3e Bataillon (Commandant POUREL), en réserve à Chuignes, reçoit l'ordre de contre-attaquer ; il se porte en avant, à travers un nuage épais de gaz lacrymogènes. Le bombardement ennemi a repris extrêmement violent, pendant que, sur leurs nouvelles positions, les fantassins allemands se sont retranchés et fortifiés. La 11e compagnie attaque le Bois de la Vache et enlève deux barricades, après une lutte opiniâtre à la grenade. Peu de temps après, elle en enlève une autre et se maintient sur le terrain conquis. La 10., suivie de la 12e compagnie, doit attaquer le Bois Signal. Le contact avec l'ennemi n'existe plus ; le secteur qu'occupaient les hommes du 322e régiment d’infanterie territoriale est inconnu, il n'y a aucun guide et la nuit est noire. Cependant, la 10e, habilement conduite par le Lieutenant ABBÉ, entrant en action en bonnes conditions, enlève un petit poste, puis un deuxième et n'arrête sa progression qu'après avoir éprouvé des pertes sérieuses. Renforcée par la 12e compagnie, elle s'organise à quelques mètres de l'ennemi. La 11e compagnie part en reconnaissance sur le Chemin de halage du Canal, vers Frise. Au poste de secours du 2e bataillon, les Médecins et infirmiers, inquiets, attendent du renfort ; ils ont essayé d'avancer chercher les blessés dans le village et ont été reçus à coups de grenades, à la passerelle du Moulin, la 11e compagnie s'avance à son tour ; la passerelle est coupée et une fusillade arrête la Section de l'Aspirant MEUNIER, lui causant quelques pertes. Le village est tenu par l'ennemi. Le 2e bataillon, ayant sa droite dégarnie par le reflux des territoriaux, et écrasé dans Frise par les torpilles ennemies qui tombaient sans arrêt, a été débordé et n'a pas eu le temps de se ressaisir. A gauche, on entend, dans les intervalles du bombardement, les Allemands qui travaillent à leurs nouvelles positions. Sur la droite, l'ennemi, contenu par la 1re compagnie, n'ose plus avancer. La nuit s'écoule glacée, avec des intermittences de calme, coupées par des rafales de mitrailleuses et de vifs et courts harcèlements d'artillerie. Au cours de la nuit, et au petit jour, des compagnies du 24e régiment d’infanterie coloniale viennent relever les éléments mélangés du 1er bataillon et du 322e régiment d’infanterie territoriale, dans le Bois Signal. Le mouvement n'est pas terminé, qu'à 9 heures le bombardement ennemi reprend, aussi intense que la veille. A 15 heures 50, les Allemands, qui veulent élargir leurs gains de la veille, attaquent entre Frise et le Bois Signal. Devant le front du 3e bataillon, la lutte est acharnée. Les Allemands, contenus partout ailleurs avec de très grosses pertes, ont progressé sur un point, tenu par quelques Compagnies du 322e. Ils ont atteint le Bois Vierge et, de là, cherchent à avancer. Le Lieutenant MARTIN, de la 12e compagnie, et ses hommes montent sur le parapet de leur tranchée et, à découvert, tirant dans le flanc de l'assaillant, font échouer son attaque. Deux compagnies du 24e régiment d’infanterie coloniale, en ligne auprès des territoriaux, rétablissent vaillamment la situation. A 18 heures, l'ennemi, dont l'élan est brisé, n'attaque plus, mais la canonnade fait rage encore très tard dans la nuit. Les 30 et 31 janvier et jours suivants, l'ennemi, tout en se montrant agressif, semble se réorganiser sur les positions conquises. De leur côté, ils ne restent pas inactifs : des boyaux et des tranchées nouvelles se creusent ; des travaux d'approche, vers le Bois de la Vache, avancent rapidement. L'artillerie française, renforcée d'une partie de la réserve d'Armée, exécute chaque jour des tirs de préparation d'attaque et détruit, avec les quelques réduits allemands qui s'y trouvent, les derniers arbres du Bois de la Vache. Le 3, le 129e passe en seconde ligne, relevé par le 274e et le 22e régiment d’infanterie coloniale. Le lendemain, ces Régiments attaquent et réussissent à progresser difficilement de quelques mètres âprement disputés. Au cours de l'attaque du 4 février, la 11e compagnie, envoyée comme compagnie de ravitaillement au 274e, prend part, comme unité d'assaut, au mouvement sur le Bois de la Vache. Après un sérieux effort, malgré quelques pertes, la Compagnie parvient à progresser. Des attaques, pendant lesquelles le 129e demeure en réserve, se produisent presque journellement, jusqu'à ce que le 8 février, au soir, le régiment soit relevé par les Coloniaux. Partant en réserve à proximité du front d'attaque, il demeure à Cerizy-Gailly jusqu'au 13 au soir. A cette date, rassemblé dans la région de Cerizy-Marcelcave, il se porte, par étapes, dans la région d'Amiens et, après avoir cantonné du 14 au 17 dans la région d'Hangar et la Vallée de la Luce, il cantonne à Saveuse et à Dreuil-lès-Amiens du 17 au 25 février. Plusieurs étapes, sous la neige, l'amènent, le 1er mars, à Francières, où il cantonne jusqu'au 9, puis du 9 au 28 mars à Villers-sur-Coudun, où il participe à des travaux de défense de seconde position, en avant de Compiègne. Il s'embarque le 28 mars à Compiègne. Débarquant le 29 mars à Villiers-Deaucourt (Meuse), le 129e cantonne à Rancourt et Alliancelles. Alerté le 2 avril, il est enlevé en camions-autos et déposé à Regret, à trois kilomètres de Verdun. Le soir même, il cantonne au Faubourg-Pavé. Après la Marne, Verdun ! De charmants villages comme Douaumont, comme Fleury, au milieu de ses vignobles, comme Vaux, si pittoresque, comme Bezonvaux, caché dans la verdure, ne forment plus que des amas de gravats, de décombres, de trous boueux que l'hiver remplit d'eau et que l'été rend empuantis de l'odeur fade des cadavres. Du Faubourg Pavé, où cantonnent les Bataillons du Régiment, on aperçoit les crêtes du Fort Saint-Michel et, à droite, celles du Fort de Souville, qui de temps à autre disparaissent dans la fumée des gros obus ennemis tombant avec une régularité déprimante. Derrière le Faubourg Pavé, la ville de Verdun, étendant sa tristesse de cité blessée, s'emplit du bruit des convois d'artillerie et, parfois, marque la souillure des « marmites » allemandes par un crépitement de toitures effondrées et de murs qui s'écroulent. Le soir, la scène change, les bruits de convois qui se hâtent vers l'avant sont dominés par le grondement plus éclatant, par l'intense et effrayant roulement d'une canonnade dont l'ampleur n'a jamais été dépassée sur aucun autre front. Dès la tombée de la nuit, d'énormes barrages grondent sur les lignes, trouant d'éclairs rouges l'ombre naissante. Notre artillerie prend dans ce concert une part active, et si les « arrivées » ennemies sont nombreuses dans nos lignes, on a la consolation de penser que l'Allemand en prend sa part... Il semble qu'on souffre moins d'une épreuve supportée en commun. Le 3, au soir, le 129e, monte en ligne. Sous un barrage parfois violent, les Bataillons du Régiment relèvent des fractions des 269e, 360e, 42e, 44e bataillon de chasseurs à pied en ligne sur la pente Sud du Fort de Douaumont, en avant de l'ancien village de Fleury. Par suite du bombardement, le secteur n'est pas organisé. Les boyaux, quand ils existent, n'ont guère plus de 50 centimètres de profondeur, les tranchées ne valent guère mieux ; seul un élément de tranchée, dit « de Douaumont », est assez profond, mais il n'a ni pare-éclats, ni parados, et ses défenseurs sont pris à revers par deux mitrailleuses ennemies. Les défenses accessoires ne sont qu'à l'état d'ébauche, et le principal lieu de résistance est le trou d'obus. C'est dans ces mauvaises conditions d'installation que le 129e aura à tenir dix jours, sous un bombardement continuel et sans précédents, et qu'il aura à résister à plus de quinze attaques. Dès le 4 avril, au point du jour, un « marmitage » effrayant, sur les premières lignes et le Ravin de Fleury, met à l'épreuve les nerfs des éléments nouveaux que le 129e met en ligne. Ce bombardement méthodique consiste d'abord en un arrosage général de tout le secteur par obus de 150 et 210 ; puis le feu se concentre d'abord sur les emplacements des réserves (village de Fleury, vallon de la Caillette, tranchées de soutien), puis enfin sur les postes de commandement, dont les entrées paraissent avoir été repérées avec précision, et sur les tranchées de première ligne, qui sont battues, longtemps, avec une extrême violence. Quelques instants avant l'attaque, l'ennemi achève le nivellement des premières lignes par un tir intense de « minen » bien réglés ; sur les « soutiens », l'arrivée des gros obus redouble d'intensité... puis l'ennemi allonge son tir et forme un triple rideau, sur l'arrière et sur les côtés du point à attaquer, empêchant ainsi l'arrivée des renforts, et démolissant les derniers points de résistance par un « tir d'encagement » précis. C'est le fameux « trömmelfeuer » (feu roulant), mis en œuvre pour la première fois, par les Allemands, à Verdun. Au moment où notre artillerie déclenche son tir de C. P. O. (barrage préventif), l'attaque ennemie part. Il est 14 heures. Cette attaque est menée avec un effectif d'environ deux Bataillons. Elle se fait en une série de colonnes de force variable : escouades, sections, etc., précédées de grenadiers. Accueillie par un feu violent de mitrailleuses et de Mousqueterie, cette attaque est brisée net devant nos tranchées. En quelques points, particulièrement éprouvés par le bombardement, les fantassins ennemis prennent pied et essaient de progresser. Des combats à la grenade commencent dans la « tranchée du Colonel DRIANT », et les Allemands qui y sont entrés y restent, frappés à mort. Devant le 2e bataillon, le combat est acharné et les pertes de l'ennemi sont lourdes. Des colonnes par quatre sont entièrement fauchées par nos mitrailleuses, les assaillants culbutent les uns sur les autres, les cadavres s'amoncellent, dans une panique effroyable. Au cours de ce combat, les hommes du deuxième bataillon (Commandant MAGUIN), venus exclusivement de la Cavalerie, en renfort après Frise, se sont montrés admirables. Plusieurs se sont mis en bras de chemise pour lancer la grenade plus loin et mieux à leur aise. Dans la nuit du 4 au 5, une attaque à la grenade leur fait perdre un élément de tranchée qu’ils reprennent le 5 au matin. Le 6 avril, un bombardement, analogue à celui du 4, commence à 7 heures ; son intensité allant en croissant jusqu'à 14 heures, un barrage préventif est déclenché. L'attaque ennemie, brisée dans l'œuf, ne se produit pas. Dans le but d'améliorer la position et de rectifier la ligne, le 3e bataillon (Commandant POUREL), reçoit dans l'après-midi l'ordre de prendre quelques éléments de tranchée qu'il a devant lui. (Cette position avait été enlevée par l'ennemi le 2 avril.) La 9e compagnie attaque résolument et d'un seul élan enlève les 150 mètres de terre remuée qui constituent la « tranchée Morchez ». La 100, de son côté, malgré une résistance acharnée, conquiert, de haute lutte, les 60 mètres de boyau, désignés sur le plan de direction sous le nom de boyau « Vigouroux ». Les gains, consolidés par des barricades, sont conservés malgré deux contre-attaques. Les pertes, malheureusement, sont assez élevées. Le bombardement reprend, violemment, le 7 au Matin. Après un combat à la grenade, dans le boyau pris la veille par la 10e compagnie, les Allemands prononcent une forte attaque sur la position occupée par la 12e compagnie. Pendant la journée, ils attaquent cinq fois..., cinq fois, aussi, ils sont repoussés. Aucune progression ne peut être réalisée de part ni d'autre. Le 8 avril, à 3 heures du matin, nouvelle violente attaque à la grenade sur les barricades de la 2e compagnie, à droite. Un poste est bousculé, la barricade est prise ; immédiatement une contre-attaque à la baïonnette rétablit la situation. Dans la journée, aucun gain n'est réalisé ; la lutte dans les boyaux se poursuit sous le bombardement des deux artilleries qui s'assaillent. Le 9 avril, la section de l'Adjudant RIHOUEY (11e compagnie) réussit, par une attaque très vigoureuse, à enlever une barricade allemande et, poursuivant l'ennemi qui s'enfuit, fait un bond en avant de 150 mètres. Le soir même, la même compagnie reprend l'attaque et progresse à nouveau de 70 mètres, pendant, qu'à l'Ouest, la 4e compagnie attaque en liaison avec la 11e compagnie et gagne 80 mètres. Dans la nuit, des patrouilleurs ennemis sont abattus par nos postes du 1er bataillon. Le 10 avril, dès 6 heures, l'ensemble du secteur est soumis à un bombardement dont l'intensité augmente d'heure en heure ; vers 14 heures, ce bombardement se double d'un écrasement des lignes avancées, par torpilles d'un très gros calibre. A 15 heures, l'attaque se déclenche sur tout le front du 1er bataillon, lequel a relevé le 2e bataillon, dans la nuit du 7 au 8, au saillant de Douaumont. Précédées de groupes de grenadiers et de « flammenwerfer » (lance-flammes), les colonnes d'attaque ennemies sont dispersées par notre feu. Quelques porteurs de lance-flammes, sur le front d'une compagnie, arrivent pourtant à proximité .de la tranchée et dirigent leur jet sur quelques trous d'obus dans lesquels se trouvent des blessés du 1er bataillon ceux-ci, atteints par le pétrole enflammé, sont atrocement brûlés et succombent. Mais les porteurs de lance-flammes forment une cible excellente pour nos tireurs. En un clin d'œil, de leurs appareils criblés de balles s'échappe le liquide de mort, et les allemands, nouvelles torches humaines, meurent du supplice que leur barbarie voulait leur infliger. Sur ce point, nos hommes ont dû se replier légèrement, et l'ennemi en a profité pour occuper 40 mètres de tranchée. Le bataillon n'a plus de munitions et la contre-attaque ne sera déclenchée qu'à 21 heures 30. Après une préparation d'artillerie, la 1re compagnie s'élance sur la tranchée qu'elle a perdue dans la journée et, dans un magnifique effort, l'enlève. La 8e compagnie, qui devait renforcer la 1ère, subit de grosses pertes par suite du barrage ennemi et ne peut progresser. Comme dans l'attaque du 4, les pertes ennemies sont très lourdes et des monceaux de cadavres gisent devant les tranchées. Le 11 avril, à 7 heures, le bombardement reprend sur tout le secteur les obus ennemis, tirés trop courts, écrasent les premières lignes ennemies, pendant une partie de la préparation d'artillerie. A 14 heures, une attaque se déclenche, visant plutôt le secteur à droite du régiment. Nos mitrailleurs, prenant l'adversaire de flanc, lui fauchent d'enfilade une bonne partie des premières vagues d'assaut et contribuent à enrayer l'attaque. Dans la nuit du 11 au 12, le 129e, relevé, va à Senoncourt. Il y cantonne du 12 au 23 avril. Ce jour-là, par camions autos, il gagne une nouvelle zone de repos, au Sud de Bar-le-Duc (Stainville, Bazincourt, Lavincourt). Au cours de la période du 3 au 11 avril, la conduite de tous a été dessus de tout éloge. Soumis à un bombardement incessant, de jour comme de nuit, appelé à résister à des attaques constantes dont certaines furent menées, en masse, avec la dernière violence, attaquant même, énergiquement, le 129e, ravitaillé d'une façon sommaire, se montra l'égal des meilleurs. Les pertes ont été sérieuses, hommes et officiers sont tombés glorieusement. Mais la volonté de tous, au régiment, s'est montrée ferme, « le Boche n'est pas passé ». Le 129e, cantonne dans la région de Stainville, du 23 avril au 19 mai. Le 18 mai 1916, les bataillons s'embarquent en auto et sont transportés à la Queue de Mola, d'où dans la soirée ils se rendent à Bevaux pour cantonner pendant la nuit. Le 19 au soir, les 1e et 2e bataillons montent en ligne pour relever dans le secteur de Douaumont un bataillon d'autres régiments. Dans la nuit du 19 au 20, deux bataillons et deux compagnies de mitrailleuses prennent position dans le secteur. Le secteur ne répond en aucune façon aux descriptions qu'en ont été faites, seules les tranchées de 1ère ligne existent et sont même en bon état. Un bataillon ne trouve que des traces des tranchées Prissou et des Chasseurs. Les hommes aménagent une ligne de trous d'obus. Il n'existe que deux amorces de boyaux vers la Brigade et vers l’avant. La journée se passe sous un bombardement intermittent, les pertes sont faibles. La nuit venue, le 3e bataillon entre à son tour dans le secteur et vient prendre la place du 1e qui gagne la 1ère ligne à gauche du 3e. Pendant la nuit, le matériel est poussé vers l’avant. Les corvées sont bien organisées, mais à partir de la Redoute de Fleury, en raison de l’absence de boyau, la conduite des corvées devient difficile. Des territoriaux abandonnent assez facilement le matériel, la surveillance est impossible. Les unités territoriales viennent creuser la nuit les parallèles de départ qui sont à peine ébauchée. La reconnaissance du terrain montre que seule la 3e parallèle destinée aux compagnies du génie atteint la profondeur voulue. Les parallèles 1 et 2 ont une profondeur variant entre 50 et 80 cm. Le 21 mai, dès 5 heures du matin, des avions ennemis survolent les lignes, exécutent en toute tranquillité leurs reconnaissances. Il s’ensuit un bombardement peu intense, mais régulier et d’une très grande précision des premières lignes. Les pertes sont lourdes, particulièrement pour les territoriaux et les compagnies du génie qui occupent les parallèles. Les dégâts matériels sont grands et il faudra la nuit pour remettre les parallèles en état. Pendant la nuit, les travaux continuent ; le matériel : grenades, fusées, sacs de terre, est poussé vers les unités de 1ère ligne. Les bataillons prennent à partir de minuit les emplacements assignés par l’ordre d’attaque. Ce jour-là, il y a 31 tués, 162 blessés et 11 disparus. 

Douaumont 1

François est mort le 21 mai 1916 à Douaumont. Sa sépulture reste inconnue malgré une plaque à son nom au cimetière qui se trouvait sur la tombe de THOURIGNY Auguste Paul avant de disparaître.

Thourigny auguste paul tombe

Citation pour la médaille militaire au journal officiel du 29 novembre 1919 : « a trouvé la mort lors de l'attaque du 22 mai 1916 en faisant preuve d'une bravoure et d'une énergie dignes des plus grands éloges ». 

Medaille militaire

Les déplacements de Maurice durant la guerre

Sources

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